Quand l’Enfer s’invite au chœur de l’espace sacré. Point de repère dans le paysage audois, la cathédrale Saint Just et Saint Pasteur de Narbonne porte en son sein des trésors inédits. En parcourant le déambulatoire, vous vous arrêterez, stupéfaits, devant la chapelle axiale Notre Dame de Béthléem. En effet, un chef-d’œuvre de la sculpture gothique s’offre à vos yeux : un retable polychrome, ouvrage monumental ciselé au cours de la seconde moitié du quatorzième siècle. En réalité, ce triptyque de pierre nous éclaire sur les préoccupations religieuses inhérentes à cette époque. Les registres supérieur et médian présentent une iconographie classique et traditionnelle. Nous reconnaîtrons divers épisodes de la vie du Christ et nous identifierons aisément Saint Pierre , Saint Paul ou encore quelques anges musiciens parmi les prophètes de l‘Ancien Testament. A l’inverse, nous nous attarderons plus longuement sur le registre inférieur, beaucoup plus inhabituel et pittoresque. Face à nous, se dessine un ensemble post-mortem qui met en exergue les différentes destinations que l’âme peut embrasser après la mort. Nous nous confrontons donc à une œuvre didactique qui répond aux interrogations des fidèles et les met en garde sur leur devenir dans l‘au-delà. Le Purgatoire est la première possibilité évoquée par le retable. Le Purgatoire est une invention du XIVème siècle. Narbonne dispose de la première représentation sculptée de ce lieu de transition à mi-chemin entre Enfer et rédemption. L’entrée au Purgatoire est symbolisée par une porte ardemment défendue. Ici, les âmes pourront racheter leurs pêchés mais, elles devront subir de nombreuses épreuves. Le buisson ardent, la mer de glace et enfin la fournaise permettront aux âmes souillées de se purifier. Les sculptures de cet ouvrage, bien qu’incomplètes, mettent en évidence la délicatesse et la minutie de l’art gothique finissant. Nous distinguons très nettement la souffrance sur les visages des fautifs. Leurs gesticulations et leur expressions nous laissent imaginer l’étendue de leur calvaire. Grâce à cette image insolite du Purgatoire nous saisissons pleinement la vocation moralisatrice et pédagogique de cette œuvre. Au Purgatoire, les âmes endurent des supplices terribles mais les punitions sont minimes face à celles que l’on reçoit en Enfer. Ce lieu macabre, épouvantable est figuré par la gueule du Léviathan. Dans le gosier de Satan, reposent des chaudrons dans lesquels brûlent les damnés. Plusieurs châtiments sont identifiables. Nous remarquons un personnage pendu par la langue qui rappelle que le blasphème est sévèrement réprimandé par l’église. La luxure est évoquée par un homme rôtissant sur un grill. Les entrailles béantes de Judas nous sensibilisent à la traîtrise. Pour clore ce funeste tableau, nous ne manquerons pas de mentionner la charrette des damnés. Se dirigeant vers l’Enfer, un chariot, dans lequel nous identifions un évêque avec sa mitre, un monarque couronné, un bourgeois et quelques membres de la paysannerie. Le message est limpide: nul n’échappe à l’Enfer si il le mérite. Cette stigmatisation du monde des ténèbres sonne comme un avertissement pour les fidèles qui s’évertueront à demeurer sur le droit chemin tracé par la religion et par la Sainte Bible. La dernière destination possible pour les âmes s’avère beaucoup moins effrayante. Les limbes, qui accueillent les justes, sont bien plus paisibles. Les âmes attendent pieusement le Christ. Il viendra les chercher pour les conduire au Paradis avant sa résurrection. Au pied de l’escalier qui mène aux Limbes, nous reconnaissons le couple originel: Adam et Eve accompagnés d’autres personnages à la destinée heureuse. Un épisode a totalement disparu il s’agit des Limbes des enfants. En effet, dans le conception chrétienne les enfants ne peuvent pêcher de ce fait, leur âmes accèdent directement au Paradis. Après le Purgatoire et l’Enfer, les Limbes apparaissent comme un soulagement pour les fidèles du Moyen-âge. Le salut est possible mais, à certaines conditions: il est impératif de se débarrasser de ses vices et de se repentir de ses pêchés. Ce retable se veut intimidant, il met en exergue la menace qui plane sur les fidèles en cas de mauvaise conduites ou de mœurs amorales. J’imagine qu’une question vous brûle les lèvres : Qu’en est il du Paradis? Selon une logique implacable, celui-ci devrait dominer et écraser le royaume de mal. C’était le cas à l’origine, mais, comme nous l’avons mentionné plus haut, ce retable est incomplet. Toutes les parties saillantes ont été brisées pour l’installation d’un nouveau décor figurant les quatre évangélistes au XVIIIème siècle. Malgré une longue et méticuleuse restauration ce puzzle ne nous a pas encore livré tous ses mystères. Mlle Anna PHILIPPE.
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