Nous venons tous et partout de vivre la Semaine Sainte ; chacun à sa façon, qu’elle soit païenne ou religieuse, en allant fêter Pâques à l’église ou au jardin à la recherche des oeufs en chocolat
Mais il est un Pays, de l’autre côté des Pyrénées, où la Semaine Sainte est tout ça à la fois. Où la ferveur se pare de toutes les couleurs et à toutes les heures du jour et de la nuit. Où la prière se mêle au son des tambours, et où pendant plusieurs jours les églises sont aussi pleines que les tavernes.
Le temps s’arrête, ou plutôt il ouvre la porte à un autre temps, un autre espace, où la nuit ni le jour n’existent plus. Un espace de pure émotion où tout n’est plus que feu et sang, recueillement ou délire total, couleur, musique et fleurs, obscurité et lumière ; ombres dessinées sur le blanc des maisons dans la lueur des torches, ou grand soleil de la procession qui monte au Calvaire le matin dans l’odeur du thym et du romarin. Tout cela s’enchaîne sans interruption et l’on passe du jour à la nuit sans même s’en rendre compte, côte à côte et cœur à cœur avec ceux qui sont autour ; des chapelets de bouteilles se vident sur des gâteaux au piment ou de la morue aux amandes. L’odeur des cierges se mélange à celui de l’encens et à celui des lys. Tout cela fait partie d’un Tout ; et nous faisons tous partie de ce « tout » jusqu’à ce que le temps, à la fin, soit rendu à son cours habituel.
Alors c’est un choc avec la « réalité » qui nous atteint, au moment où, suspendu au signal du Maire du haut d’un balcon de la place, l’espace est brutalement rendu au silence.
Pour la seconde année consécutive, je ne quitte ces lieux qu’à regret, et avec, dans la tête et dans le cœur, la petite musique érotico-mystique des vers de San Juan de la Cruz :
« Y cuando màs cerca llegaba
de este lance tan subido
tanto màs bajo y rendido
y abatido me hallaba
dixe : « no habrà quien lo alcanze
Abatime tanto tanto
Que fui tan alto tan alto
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